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3 février 2005 4 03 /02 /février /2005 00:00

 

 

Depuis la fin de la deuxième guerre, le développement a servi à légitimer de nombreuses politiques économiques et sociales en miroitant l’avènement d’un bien-être mondial.

         Pourquoi serait-il inconvenant de reconnaître que les causes les plus nobles ont souvent entraîné des conséquences dramatiques ? En quoi le développement comme il a été conçu et compris diffère t’il de la colonisation ?

         Ces quelques lignes n’ont pas pour vocation d’accabler la coopération au développement et l’aide internationale mais de prendre du recul sur le concept même de développement. D’ailleurs, l’enjeu est avant tout politique, les acteurs du monde en développement formant la périphérie du système en s’attribuant une légitimité pour pallier les effets de politiques injustes. Déjà Tocqueville avait perçu la faille : » Il faut une science politique nouvelle à un monde nouveau. Mais c’est à quoi nous ne pensons guère, placés au milieu d’un fleuve rapide, nous fixons obstinément les yeux vers quelques débris, qu’on aperçoit encore sur le rivage, tandis que le courant nous entraîne et nous pousse vers les abîmes ».

         Afin de cerner le concept tel qu’il est entendu aujourd’hui, quelques petits rappels historiques sont nécessaires. Entre les années 1870 et 1940, les grandes puissances ont ouvert la voie au développement. L’enchaînement des discours et des pratiques qui, pendant ces années la, ont conduit à l’ère du développement revêt une grande importance afin de saisir l’origine du terme.

         Ainsi Victor Hugo s’exprimait lors d’un banquet commémoratif pour l’abolition de l’esclavage : » Au 19ème siècle, le Blanc a fait du noir un homme ; au 20ème siècle l’Europe fera de l’Afrique un monde. Refaire ne Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation tel est le problème ; l’Europe le résoudra. Allez, peuples ! Emparez vous de cette terre ! Prenez la ! A qui ! A personne. Prenez cette terre à Dieu ! Dieu donne la terre aux hommes. Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez la ! Ou les rois apportaient la guerre, apportez la concorde ! Prenez la non pour le canon, mais pour la charrue ! Non pour le sabre mais pour le commerce ! Non pour la bataille mais pour  l’industrie ! Non pour la conquête, mais pour la fraternité ! Versez votre trop plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales !Changez vos prolétaires en propriétaires ! Allez faites !Faites vos routes, faites des ports, faites des ville ! Croisez, cultivez, colonisez, multipliez ! Et que sur cette terre de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’esprit divin s’affirme par la paix et l’esprit humain par la liberté ! »

         Voici une bonne synthèse de la justification philanthropique de la colonisation. Il ne fut pourtant pas facile de convaincre l’opinion cependant les réticences tombèrent sous le poids de deux arguments : tout d’abord la colonisation n’est pas une affaire de choix mais un devoir, l’autre argument est celui du fait accompli.

         Si la colonisation a élaboré un argumentaire permettant de justifier l’intervention dans les pays extra européens pour servir les intérêts nationaux, la Société Des Nations (SDN) va légitimer l’internationalisation de cette intervention au nom de la civilisation considéré comme le patrimoine commun des Etats européens.

Article 22 de la Chartre de la SDN : « Le bien être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation… ». La justification du système des mandats établis après la deuxième guerre mondiale est donc coulé dans un langage humanito-religieux qui se réfère à une mission sacrée de civilisation dévolue aux puissances coloniales. IL y aurait donc au delà des intérêts économiques et politiques, des valeurs universelles, à savoir la civilisation, le bien-être matériel et moral, le progrès social…, dont on peut légitimement des réclamer pour se intervenir dans l’existence d’autres peuples.

         La colonisation et le système des mandats occupent donc le même espace temporel, spatial et idéologique. La communauté internationale semble dorénavant englober tous les peuples du monde et sa croyance ou sa bonne conscience paraissait reposer sur un consensus universel.

         L’idée su développement restait cependant à construire. C’est le président Truman qui lors de son discours d’investiture du 20 Janvier 1949 a inauguré « l’ère du développement » avec son point IV. IL propose une nouvelle manière de concevoir les relations internationales. C’est dans ce discours qu’apparaît le terme »sous développement ». Auparavant, les relations Nord/Sud était basé sur le couple colonisateurs/colonisés. Dorénavant il y a les développés et les sous développés. On retrouve aujourd’hui cette nomenclature à l’ONU : « developed countries »/« developing countries ». Cette nouvelle dichotomie bouleverse les schémas cognitifs, une vision linéaire du temps apparaît. Nous sommes tous sur une même route, certains sont en avance, d’autres en retard. L’autodétermination qui a suivi la deuxième guerre mondiale était une farce. L’orientation des peuples du Sud a été volé à l’appui de schéma ancien mais avec de nouveaux mots.

         Notre société est finalement peut être plus emprunte de croyances que le continent africain. Il est étonnant d’observer à quel point les occidentaux dans leur majorité ont une vision angélique le l’Organisation des Nations Unis. Finalement la vision de l’ONU est que les outils du développement sont la croissance économique et l’aide au développement est très proche de la pensée dominante. Son image est bonne car son objectif initiale est la promotion de la paix et donc du multilatéralisme, cependant le schéma est encore une fois développement = occidentalisation.

         La croyance en le système qui nous englobe est plus forte que le doute qu’il engendre.

         Pour appuyer ces quelques arguments, je laisserai la place à Edgar Morin : »Le développement, apparemment universalise, constitue un mythe typique du sociocentrisme occidental, un moteur d’occidentalisation forcené, un instrument de colonisation des sous développés par le Nord…Ceci doit nous amener à nous défaire d’abord du terme de développement, même amendé et amadoué en Développement Durable, soutenable ou humain…La notion de développement doit à mon sens être remplacé à la fois par une politique de l’humanité (anthropique) que j’ai depuis longtemps suggéré et par celle d’une politique de civilisation. »

 

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