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24 février 2005 4 24 /02 /février /2005 00:00

Si les démocraties libérales s'ouvrent de plus en plus à des cultures et coutumes hétérogènes la discrimination à l'embauche illustre une possible réticence face à cette augmentation du droit à la différence.

 

« On ne fait pas une cité à partir d'hommes semblables » (« La politique » Aristote, 384-322 av JC).

 

Sur cet héritage politique antique se sont construits toutes les organisations politiques démocratiques occidentales. Les régimes totalitaires se sont au contraire construits sur la négation de ce principe.

 

Cependant le droit à le différence peut être aujourd'hui source de problèmes au sein des démocraties libérales, comme le soulignait le Générale De Gaulle : “Comment voulez-vous gouverner un pays qui compte plus de cent variétés de fromages ?”.

 

Un étranger, au sens large, est une personne qui n'appartient pas à un groupe donné.

Le droit à la différence, c'est le droit à ce qu'un écart par rapport à une norme ne soit pas perçu comme une infériorité, voire comme une infirmité, ni stigmatisé socialement. Enfin une discrimination au sens large est l'action d'isoler et de traiter différemment certains individus ou un groupe entier par rapport aux autres.

 

Il peut sembler paradoxal que le droit à la différence est un héritage inévitable du processus démocratique, alors qu'il peut être aujourd'hui source de clivages.

 

I/ Si le développement du droit à la différence est inéluctable en démocratie, sa mise en place demeure cependant problématique

 

A/La reconnaissance du droit à la différence est un impératif démocratique

 

1/Origine de l'engagement de l'Etat en faveur du droit à la différence

 

La reconnaissance du droit à le différence est la reconnaissance d'une donnée existentielle : deux êtres totalement identiques n'existent pas. La différence est un facteur inévitable de l'évolution (« De l'évolution des espèces au moyen de la sélection naturel » Darwin, 1859).

Ce droit est désormais reconnu par tous les textes démocratiques : La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC, 26août 1789), la liberté d'expression (1881), la liberté de culte (1905). L'idée démocratique du XXème siècle est d'utiliser la différence comme facteur d'enrichissement culturel, il existe une certaine valorisation des sociétés pluriethniques.

 

 

2/Il n'en reste pas moins que l'action de l'Etat doit être suppléée par des initiatives privées

 

Si les démocraties se fondent sur le droit à la différence, les discriminations persistent, celle ci sont alors combattues par des associations ou entreprises.

L'organisation de la campagne anti-discrimination d'Adia n'est qu'un exemple d'initiative d'origine privée. Il faut cependant noter que l'image que souhaite véhiculer Adia par cette campagne publicitaire n'est pas dénuée d'intérêt. En effet par ce moyen elle se place dans l'image d'une agence d'intérim intègre et non discriminante portant ainsi à choisir Adia et non une autre agence où le soupçon de pratiques discriminatoires reste présent. Dans un même temps cette campagne publicitaire évoquant un problème de société réel, permet de mettre en lumière et d'initier une réflexion sur ce rapport à la différence souvent discriminatoire.

De même, des associations comme SOS Racisme, ou Touche pas à mon pote, luttent contre la discrimination raciale, alors que les Chiennes de Garde s'attaquent aux discriminations touchant les femmes.

 

 

 B/Mais ce droit reste extrêmement difficile à appliquer

 

La discrimination ne se fait pas disparaître par décret, car elle se fonde sur une stigmatisation consciente, mais surtout inconsciente de l'individu résultant de phénomènes sociaux et comportementaux profonds.

Ainsi dans son ouvrage “Stygmate”,  le sociologue américain Erwing Goffman (1922-1982) montre que l'existence de signes extérieurs inscrits dans le corps de certains est l'occasion pour les autres de les marquer comme déviants.

Si l'individualisme et la société de consommation prônent le droit à la différence, l'uniformisation et la standardisation s'imposent par mimétisme dans différents groupes hétérogènes entre eux. Ceux-ci se perçoivent alors comme différents, cela rendant parfois propice des situations conflictuelles.

Si la France c'est dotée d'un cadre législatif développé, le nombre d'affaires jugées par la justice est faible par rapport aux actes discriminatoires commis.

En illustration, la première enquête par “testing” organisé par ADIA et Jean-François AMADIEU (directeur de l'Observatoire des discriminations) sur la discrimination à l'embauche mets en évidence des méthodes de recrutement douteuses. Ainsi un candidat handicapé, où la nature de son handicap n'est pas spécifié à l'employeur, reçoit 15 fois moins de réponses positives que le candidat de référence, tout deux ayant le même niveau de qualification.  Le candidat d'origine maghrébine obtiendra quant à lui 5 fois moins de réponses positives.

Le droit à la différence, doit-il interdire ou tolérer les opinions contraires aux idéaux démocratiques comme le néonazisme? On peut penser que la différence ne devrait pas être acceptée lorsque celle-ci prône la haine raciale.

 

 

II/Paradoxalement la création artificielle de groupes peut-être à l'origine de réduction d'inégalité, c'est une autre vision du droit à la différence

 

A/La discrimination positive permet de réduire certaines inégalité

La discrimination positive cherche a améliorer la condition de vie de catégories considérées comme désavantagées.

Si la terminologie de discrimination positive est récente, sa pratique est ancienne, ainsi le concept même d' Etat Providence se fonde sur une redistribution au plus démunis, forme de discrimination positive. Il est ainsi possible de réduire les inégalités, et de relancer l'économie par la demande des plus démunis.

 

 

 B/Cependant, la discrimination positive crée de l'inégalité et ne se penche pas sur l'origine des handicaps des catégories qu'elle favorise.

 

La discrimination positive, traitement inégalitaire d'un groupe de personnes minoritaire dans un objectif d'atteinte d'une plus grande égalité, ne répond pas au principe d'égalité de tous devant la loi.

De plus, elle réduit l'individu à une catégorie, à un seul aspect de sa personne. Pour bénéficier de discrimination positive il faut se victimiser. Enfin, le bénéficiaire peut accéder à un poste alors qu'il est incompétent.

Ainsi le slogan d' Adia : “Ne vous fiez pas aux apparences, fiez-vous aux compétences.” lutte contre les préjugés et la discrimination. La discrimination positive n'est alors pas une solution pour Adia dans le sens où celle-ci ne se fit pas aux compétences de l'individu, mais à l'handicap qu'il peut avoir.

François AMADIEU ayant travaillé en collaboration avec Adia se positionne également contre la discrimination positive, car celle-ci ne lutte que contre les conséquences de discriminations plus profondes et ne s'attaque donc pas à l'origine des problèmes.

 

 C/Il existe d'autres moyens de lutter contre la discrimination.

Le rapport de la cour des comptes du 23 novembre stigmatise entre autre les échecs de la politique d'intégration des immigrants. Elle propose la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations dans le monde de l'entreprise. Un amendement sera certainement inclus concernant l'homophobie,  puisque le gouvernement a du retirer le projet de loi contre celui-ci sous la pression de la cour des droits de l'Homme qui craint une “dérive communautariste”.

 

Recommandations de la cour des comptes à l'Etat :

-          Participation de l'Etat aux plateformes d'accueil pour immigrés

-          Favoriser la scolarisation des enfants

-          Evaluer avec diagnostic dès l'accueil d'un nouvel arrivant afin de proposer des prestations personnalisées en terme de logement et de santé. Ce diagnostic se poursuivrait sur deux ans.

-          Développer le cautionnement ou le tiers payant de l'employeur pour l'obtention d'un logement privé.

-          Créer une autorité indépendante pour l'attribution des logements sociaux

 

Le rapport Bébéar “des entreprises aux couleurs de la France” demandé par le premier ministre développe l'idée de CV anonyme qui rallie de nombreux partisans. Le 22 novembre une charte de la diversité a été signé par 44 entreprises. Cette charte est directement inspirée de la politique d'ADIA en matière de recrutement : “NE VOUS FIEZ PASAUX APPARENCES, FIEZ VOUS AUX COMPETENCES”.

 

En conclusion nous dirons que le droit à la différence est nécessaire en démocratie même si son application peut être à l'origine de problèmes. Comme l'illustre la campagne publicitaire d'Adia, les luttes contre la discrimination peuvent être aussi bien d'initiative privée que publique. Aujourd'hui le droit à la différence pose la question de discrimination positive, moyen de réduction des inégalités par le processus de catégorification de la population.  Cette méthode n'est pas en accord avec les valeurs républicaines et n'est pas soutenu par Adia. Il existe cependant de récentes alternatives à la lutte contre la discrimination qui restent à être mis en place.

 

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