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17 janvier 2008 4 17 /01 /janvier /2008 05:39
Le responsable d’une ONG travaillant dans un pays du Sud disait récemment : « Pour un occidental qui part plein d'enthousiasme participer à un projet de développement  au Sud, dix occidentaux y sont déjà et font des dégâts qui nécessiteraient des milliers de projets de développement pour y remédier. Pire, parmi ces occidentaux qui partent plein d'enthousiasme et de belles intentions, la majorité fera, par inexpérience, manque de maturité ou pure bêtise, l'inverse de ce qu'il faudrait faire, et sûrement plus de dégâts que si elle n'était pas venue. »
 
Regardons cela d’un peu plus près.
 
 
Voici un extrait d’un article d’Odon Vallet, paru dans le journal La Croix qui illustre bien les absurdités de certaines démarches entreprises par des jeunes qui veulent « aider » les « pauvres pays du Sud » :
 
« La truelle et le crayon »
 
« Avec l’été voici le retour des voyages humanitaires, versions ethnologiques des safaris photos. En un mois, des jeunes croient pouvoir découvrir et secourir des populations inconnues et des civilisations ignorées. Ils vont aider des gens dont ils ne parlent pas la langue et méconnaissent les mœurs. Les résultats sont consternants. Tel groupe d’étudiants construit une école au Vietnam alors que pas un ne sait manier la truelle : les murs ne tiennent pas debout. Tel autre va lutter contre le sida en Afrique avec des affichettes représentant des phallus géants : il scandalise la population. Tel autre encore fait du soutien scolaire au Togo pendant les vacances d’été : les lycéens togolais étant aux champs pour gagner un peu d’argent, les tuteurs français ne soutiennent pas grand monde. Et avec le prix d’un seul billet d’avion aller retour Paris – Lomé, on peut faire vivre quatre élèves africains pendant un an.

Certains de ces jeunes amènent du matériel scolaire inutile ou mal adapté qu’il aurait été moins coûteux d’acheter sur place. D’autres offrent des cédéroms à des écoles qui n’ont même pas l’électricité. (…)
 
Il serait dommage de décevoir l’altruisme des jeunes, mais il serait tout aussi regrettable de gaspiller leurs ardeurs par des efforts inutiles et de dilapider leur enthousiasme par des gestes inefficaces. »
 
Sûrement peut-on trouver cet article un peu caricatural, mais il a le mérite de nous mettre face à une situation qui pose véritablement problème dans de nombreux pays du Sud.
 
En effet, n’est-il pas nécessaire de comprendre et d’accepter que ce n’est pas en partant 3 semaines ou un mois dans un pays « pauvre » que nous allons changer la face du monde, ni même aider qui que se soit si ce n’est soi même. Il serait même important de se rendre compte que dans 90% des cas, ces « voyages humanitaires » peuvent s’avérer totalement inutiles, voir même contreproductifs.
 
Pourtant l’idée d’aller à la rencontre de l’autre n’est pas négative en soi… Seulement il faudrait chercher à repenser la plupart de ces « camps chantiers » ou autre voyage humanitaire pour qu’ils deviennent de véritables moments d’échanges et d’enrichissement mutuels.
 

Finalement, il s’agit de sortir d’une logique d’assistance pour rentrer dans une logique d’échange.
 
 
 
Illustrons par un exemple concret les effets négatifs que peut avoir un projet qui partait pourtant avec les meilleures intentions du monde.
 
Problème repéré par une ONG française dans un petit village au Burkina : les enfants du village doivent marcher pendant 1h30 pour aller à l’école.
 
Solution proposée : l’ONG a décidé d’offrir un vélo à chaque enfant du village pour qu’il puisse aller à l’école plus rapidement. En plus cette solution rentre dans la mode du « développement durable » puisqu’elle est à la fois simple et écologique.
 
Résultat à court terme : Les enfants ne mettent plus que 30 minutes pour aller à l’école !
 
Résultat à moyen terme : Les vélos commencent petit à petit à s’abîmer. Les villageois ne disposant pas suffisamment de pièces de rechange ils sont dans l’impossibilité de réparer les vélos.
 
 
Le constat pourrait s’arrêter là et il serait très classique dans le monde des projets de développement : « un coup d’épée dans l’eau ». Une ONG a voulu bien faire, mais elle n’a pas été au bout de son projet. Tant pis, ce projet n’aura servi à rien…
 
Mais le problème c’est qu’il n’a pas servi à rien, il a servi, mais pour faire du « mal ».
 
Résultat à long terme : Non seulement les villageois se sont retrouvés sans vélo mais en plus ils ont été humiliés. En effet certains des villageois se sont dit après coup : « On doit vraiment être cons, puisque des gens sont venus de loin pour nous aider et que nous n’avons même pas été capables d’entretenir le matériel qu’ils nous ont donné... on est des moins que rien… ».
 
En effet le fait d’être obligé de recevoir l’aide de quelqu’un est toujours un peu humiliant, mais le fait de ne pas réussir à se servir de cette aide l’est encore plus.
 
Quand on cherche à creuser plus profond on s’aperçoit donc de la possible perversité « inconsciente » de ce genre de projet.
 
En effet la prochaine association qui va venir faire un projet dans ce village va se trouver face à des personnes très réticentes, voir ouvertement hostiles, car elles n’auront pas envie de « se faire avoir » une nouvelle fois. Pendant ce temps dans un processus d’inversement de la réalité devenu classique dans les relations Nord-Sud, les membres de l’association risquent de se dire, « mais c’est quand même incroyable, ces gens ne veulent même pas qu’on les aide ! »
 
Parfois il vaut mieux ne rien faire que de mal faire… C’est pour cela qu’il nous paraît aussi fondamental de prendre un vrai temps de réflexion et de rencontre avant de monter un projet.

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